Néonicotinoides : Lobby des betteraviers : 2 / santé des consommateurs 0 »

Les députés viennent de réautoriser l'usage des néonicotinoïdes pour les betteraviers !

Ci-dessous le mail de BiodiverCités 78 envoyé à notre députée Natalia Pouzireff  le 22 janvier 2022 :

Madame la Députée,

 

Nous vous remercions d’avoir demandé à votre collaboratrice de nous répondre. Cela montre l’importance que vous accordez à ce sujet. Même si nous sommes déçus de lire que, malgré toutes les données disponibles aujourd’hui, vous confirmez votre décision et envisagez de prendre la même aujourd’hui.

 

Vous parlez à nouveau de la nécessité de trouver des palliatifs efficaces. Outre que le concept est flou et donc ouvre la porte à tous les abus, votre affirmation semble indiquer que vous n’avez pas connaissance de ce que les moyens existent pour se passer des poisons que vous avez aidé à autoriser, et dont le risque sanitaire est lui aussi lourd que clairement avéré.

 

Avez-vous consulté les experts, neutres, objectifs et qualifiés, comme par exemple ceux de l’Inrae (pas ceux qui travaillent sur des projets financés par les producteurs / utilisateurs de pesticides) ?

 

Avez-vous lu l’Avis du Cese, de 2016, il y a déjà 6 années, intitulé « La transition agroécologique : défis et enjeux » et voté à la quasi-unanimité (126 voix pour, 26 abstentions et 2 contre) ? cette lecture nous apprend que les solutions existent bien, depuis longtemps. Il faut juste le courage de les mettre en œuvre et la compétence politique pour convaincre quelques lobbies corporatistes, habitués à être juges et parties, sans jamais se remettre en question.

 

Vous semblez manquer d’informations et allons donc essayer de vous aider, à partir d’extraits de 2 sites – comme vous êtes une scientifique cela devrait vous convenir :

 

https://www.snpn.com/consultation-publique-neonic/

« En 2021 dans le Centre Val de Loire 11% des parcelles non traitées aux néonicotinoïdes du réseau d’épidémio-surveillance n’ont pas nécessité de traitement insecticides ultérieurs, 47% d’un seul traitement ultérieur et 42% de deux traitements (2). De même des suivis de l’Institut Technique de la Betterave ont montré qu’en 2021, 30% des parcelles non traitées aux néonicotinoïdes ne montraient pas d’infection importantes par les pucerons et que les niveaux de gravité de la jaunisse restaient faibles. Les parcelles traitées aux néonicotinoïdes ne sont pas toutes indemnes de jaunisse. Il a donc été possible de produire des betteraves sans néonicotinoïdes, avec un itinéraire technique classique, en traitement curatif.

 

Il est par conséquent légitime de se demander quels ont été les bénéfices réels de l’utilisation en 2021 des néonicotinoïdes, par rapport à toutes les autres solutions techniques disponibles.

Si la production nationale est sensiblement en baisse en 2021 (-8% par rapport à la moyenne 2016-2020), ceci est à mettre en relation avec la baisse des surfaces plantées (-10%). La France est dans le duo de tête des producteurs mondiaux : il n’est pas question de souveraineté alimentaire, mais de commerce mondialisé (4), dans un cadre de surproduction chronique de sucre et de cours à forte volatilité, de suppression des quotas européens et de stratégies industrielles mais aussi d’une volatilité de consommation de sucre.  

La SNPN ne pense pas que l’autorisation de l’usage de pesticides aussi nocifs pour l’environnement que les néonicotinoïdes, substances bien plus actives que le DDT et persistantes trop durablement dans le sol, dont certains métabolites sont encore plus toxiques que la molécule initiale, soit le bon levier pour soutenir la filière et accompagner ses nécessaires mutations. Dans un contexte où le déclin de la biodiversité et en particulier des insectes et autres invertébrés est plus qu’alarmant, cette initiative ne va assurément pas dans le bon sens, en plus d’avoir envoyé un signal déplorable.

https://www.insectes.org/blog/contribution-de-lopie-a-la-consultation-publique-du-ministere-de-lagriculture--n33?fbclid=IwAR2iuWurZ1JfnA4y6t8XZvp8eTocyXwnOEKSzJywcXPS3aToDZ3RPi7NOgQ

« … , il nous semble extrêmement important de rappeler les alternatives et solutions les « moins pires » qui ne sont même pas envisagées dans ce projet d’Arrêté».  Car non-content d’avoir réussi l’impossible en 2020 avec la ré-autorisation pour 3 ans des substances que la Loi avait banni avec courage, responsabilité et raison, le Gouvernement ne fait aucun effort pour contrôler et suivre les modalités d’application de ces poisons dont l’impact opère à grande échelle.

  • Les molécules :

Alors que l’Union européenne a interdit la totalité des molécules de NNI et qu’une seule d’entre elles a été réautorisée de manière dérogatoire en Allemagne, pourquoi en réautoriser 2 en France, dont la « pire » d’entre elles, le tristement célèbre Gaucho ? D’autant que les « effets cocktails » issus de la dégradation et recombinaisons des molécules commencent tout juste à être documentés par des résultats scientifiques effrayants…

  • Les surfaces autorisées :

l’Allemagne toujours, n’a autorisé que 50% des surfaces concernées par la culture betteravière à être traitées. Il n’est pas compréhensible que la totalité des surfaces françaises concernées soient autorisées dans cette dérogation !  L’arrêté doit faire preuve de discernement et s’attacher strictement à limiter l’utilisation de ces produits toxiques aux seules zones les plus sensibles.

  • Les modalités d’application vs réalité de la menace :

l’enrobage est une manière de traiter en préventif et à l’aveugle complétement irresponsable et sans aucune relation avec la réalité du terrain et du travail de l’agriculteur. Le produit est utilisé sans autre alternative et les autorisations de dérogations données en 2021 ont conduit à un immense gâchis. Aucun des modèles prévisionnels utilisés n’a pu prédire la très faible population de pucerons de l’année et donc l’absence de menaces… Pour autant, les substances tueuses ont bel et bien été larguées dans l’environnement…

Rappelons aussi que la vision « à la parcelle » qui prétend que la nocivité du produit – comme le « nuage de Tchernobyl » – s’arrête aux limites de la parcelle agricole concernée est un non-sens : c’est tout le territoire environnant qui se trouve impacté.

En cas de risque majeur sur la production betteravière dans une région donnée, la seule modalité qui pourrait être concevable – à défaut d’être acceptable – serait une application par pulvérisation ciblée quand le début d’une infestation est constaté. D’autant que cela rendrait factuelle la nécessité ou pas de traiter. »

 

Dans son courrier du 22/1/2022, adressé au Président du Cese, le Président Macron écrit: « La protection de la biodiversité n’est pas seulement une cause ou un engagement. C’est le combat de notre siècle, indissociable du défi climatique, tant il y a urgence à agir pour éviter une sixième extinction massive des espèces. Il est au cœur de l’action gouvernementale… ».

 

Ne pensez vous pas qu’il serait temps de joindre les actes aux paroles ?

 

Nous restons étonnés que vous ayez oublié le principe de précaution, pourtant inscrit dans notre Constitution, pour, en tout cas c’est ce que vous disiez, éviter de mettre une filiale à terre. D’autant que l’on sait maintenant que, de toute façon, cela n’aurait pas été le cas. Et ce alors qu’il se confirme de plus en plus si besoin est, que les néonicotinoïdes sont éminemment dangereux, pour nous et nos enfants. Que disent les vôtres de cette décision ?

 

Car il est clair que les solutions existent, nombreuses, complémentaires, pragmatiques – et, surtout, porteuses d’avenir pour l’économie de notre pays (le pétrole vert…). Encore faut il s’y prendre suffisamment en amont et avoir le courage de reconnaitre que des modifications structurelles sont nécessaires.

 

Vous êtes une scientifique et espérons que c’est ainsi, et dans l’intérêt général, que vous prendrez votre décision. Une journée de tables rondes est organisée le 26 Janvier à l’Assemblée. Y serez-vous ?

 

BiodiverCités 78